Sur internet, comment prouver que l’on est réel ? Des sites de rencontres aux communautés par cooptation, les techniques de vérification se multiplient pour chasser les faux profils, afin d’endiguer les dérives de l’anonymat en ligne, entre selfies vidéo et parrainages.
“Sur internet, personne ne sait que vous êtes un chien”: l’avertissement dès 1993 d’un dessin de la revue culturelle The New Yorker résonne encore 30 ans plus tard en France à l’Assemblée, où les parlementaires examinent le projet de loi sur la “sécurité numérique”.
Parmi les pistes étudiées, l’idée – approuvée par le ministre français délégué chargé du Numérique, Jean-Noël Barrot – que les réseaux sociaux puissent proposer à leurs utilisateurs de déposer une preuve d’identité, afin que ceux-ci puissent choisir de ne communiquer qu’avec d’autres utilisateurs certifiés.
Déjà, les grands sites de rencontres ont mis en place ces dernières années des outils de vérification des photos, sur une base volontaire. Les utilisateurs peuvent limiter leurs recherches aux seuls profils vérifiés, ce qui incite à adopter ces outils.
Bumble, l’une des applications de “dating” les plus utilisées dans le monde, demande à l’utilisateur un selfie imitant l’une des cent poses fournies au hasard, explique la société. Ce selfie sera comparé aux photos qu’il a postées.
Le français Happn, également dans le Top 10 mondial, développe depuis deux ans la certification des photos des profils par vidéo.
“Si vous postez une photo, vous pouvez faire une vidéo et le dispositif, validé par la Cnil (l’institution garante de la vie privée des Français, ndlr) permet par biométrie de vérifier que vous êtes une vraie personne”, explique Karima Ben Abdelmalek, présidente d’Happn, à l’AFP.
Un système également mis en place depuis avril par Tinder, l’une des marques du géant mondial du secteur Match Group, qui permet aussi aux utilisateurs de choisir de ne voir que les profils certifiés et même demander à leur “match” de vérifier son profil avant de discuter.
Cooptation et notation
Le groupe réfléchit même à un lancement de vérification par document d’identité, mais sans date annoncée.
“À l’échelle de Match Group (Tinder, OkCupid, Meetic, Match, Hinge…), 44 comptes de spams (qui ne respectent pas les règles de la plateformes, ndlr) sont supprimés en moyenne chaque minute à travers l’ensemble des marques, et près de 5 millions de bots (comptes automatiques) et de comptes de spam ont été supprimés entre janvier et mars de cette année, avant d’avoir accès à la plateforme ou peu après l’inscription”, précise Match Group à l’AFP.
Happn utilise aussi l’intelligence artificielle pour repérer les comportements inappropriés et les spams automatisés. “Si quelqu’un réagit cent fois sur un profil, alors qu’en moyenne un humain réagit 30 fois, alors ce n’est pas un humain : c’est un robot”, détaille Karima Ben Abdelmalek.
L’outil détecte aussi ceux qui réclament de l’argent ou encore publient un numéro de téléphone, et les bannit en quelques secondes.
Plutôt que des techniques de vérification sophistiquées, d’autres sites utilisent des moyens plus classiques pour éviter les faux profils.
Un site de parrainage comme Gens de confiance (location) parie sur la cooptation: il faut recueillir plusieurs parrainages de membres pour être accepté. L’idée est qu’ils se connaissent dans la vraie vie, l’ultime gage de confiance.
Les parrains sont d’ailleurs tenus responsables par la suite: ils peuvent voir leur compte supprimé en cas de mauvais comportement d’un filleul lors d’une location. Au fil des années, le site a élargi son audience mais le système des parrains est censé maintenir une garantie de la fiabilité des profils.
De même pour tous les sites où les utilisateurs se notent les uns les autres, comme BlablaCar, ou encore notent des commerces et des services. Sans certifier qu’il s’agit de vrais profils, ce système crée une réputation cooptée, censée éliminer les usurpateurs.
“On se dirige vers un système où coexisteront des profils certifiés et des non-certifiés, comme sur X (ex-Twitter)”, commente l’avocat spécialisé dans le numérique Eric Le Quellenec, du cabinet Simmons et Simmons, auprès de l’AFP.