Cette fois-ci, il va vraiment falloir lever le pied. Sur le périphérique parisien, l’abaissement de la vitesse maximale à 50km/h prend effet ce jeudi 10 octobre sur l’ensemble de l’anneau. Depuis le 1er octobre, seul un tronçon de 12km, situé entre les portes des Lilas et d’Orléans, appliquait cette mesure. L’axe a ensuite été fermé la nuit, par sections et pendant près d’une semaine, afin d’installer les nouveaux panneaux de signalisation, indiquant la nouvelle règlementation.
Une réduction de la vitesse “bénéfique”, assure la mairie de Paris, “pour lutter contre le bruit et la pollution de l’air”. Un argument qui peine à convaincre les professionnels du transport qui y voient plutôt une entrave à l’exercice de leurs fonctions. Et notamment une perte de temps. “Si vous faites la moitié du périphérique, ça vous rajoute cinq minutes sur un trajet simple”, calcule Olivier Poncelet, délégué général de l’Union TLF, organisation professionnelle du transport et de la logistique.
Une hausse peu significative à première vue, mais dont les conséquences se font très rapidement ressentir. “J’ai une entreprise qui possède une trentaine de véhicules et qui fait 5.000 à 7.000 km par mois sur le périphérique. D’après notre calcul, ça va lui coûter un peu plus de 25.000 euros par an”, indique Alexandre Fontana, délégué général du Syndicat national des transports légers. Autre exemple : “pour 600 trajets hebdomadaires, 5.000 km parcourus avec 18 véhicules de transport et une perte de temps estimée à cinq minutes par livraison, cela représente un surcoût de salaire de 500 euros par semaine”. Pour assurer l’ensemble de leurs missions, certains transporteurs devront embaucher davantage de chauffeurs et mobiliser plus de véhicules.
“Ce n’est même plus du mécontentement”
Le tout dans un contexte très délicat pour le secteur. “Nos entreprises sont en très grande difficulté. Il y a eu une explosion du nombre de liquidations judiciaires”, pointe Alexandre Fontana. Une situation héritée de la crise du Covid, mais aussi des Jeux olympiques – une période “hyper compliquée”, assure ce représentant – liée aux contraintes de circulation en vigueur dans la capitale. Le passage à 50 km/h apparaît donc comme une goutte d’eau pour ces professionnels. “Ce n’est même plus du mécontentement, ils sont atterrés”.
Cette réduction de la vitesse contraint également les transporteurs à repenser de fond en comble leur organisation de travail. “Il va falloir revoir certaines choses en amont. L’année dernière, lors des intempéries et pendant la crise agricole, je me réunissais avec mes adhérents jusqu’à 22h le soir pour organiser leur tournée et déterminer par où ils devaient passer. Eh bien là, ce sera pareil, ils devront anticiper, se préparer plus tôt, pour partir plus tôt. Tout est décalé”, regrette Bruce Aiglehoux, secrétaire générale de l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) d’Île-de-France.
Ces professionnels regrettent également un manque de flexibilité qui pénalise principalement les transporteurs de nuit, dont la proportion peut atteindre, dans certaines entreprises, jusqu’à 30% de l’ensemble des livraisons. “Dans la journée, effectivement, on roule à 35 ou 36 km/h en moyenne donc l’abaissement de la vitesse à 50 en journée, ce n’est pas très grave. En revanche, la nuit, il n’y a aucun intérêt à rouler à 50 km/h. Je pense qu’en 2024, on peut mettre deux vitesses sur un radar et sur des panneaux. On propose donc de limiter la vitesse à 50 entre 8h et 20h et à 70 entre 20h et 8h”, suggère Bruce Aiglehoux. Contacté à ce propos, David Belliard, adjoint à la mairie de Paris en charge notamment des transports, des mobilités et de la voirie, insiste sur la nécessité de “baisser le bruit la nuit en priorité pour permettre aux gens de dormir” et juge plus judicieux de maintenir la vitesse à 50km/h la nuit “pour cette question de santé publique”.
“Pas suffisamment de concertation”
De façon assez unanime, tous dénoncent aussi un manque de dialogue avec la mairie de Paris, qui détient la gestion du périphérique parisien. “Ce sont de nouvelles contraintes qui pèsent sur la chaine logistique, or, il n’y a pas eu suffisamment de concertation avec les professionnels. Ce que l’on souhaite, c’est qu’on puisse les associer davantage, comme on a pu le faire pendant les Jeux olympiques. Il faut plus de prise en compte de la réalité des professionnels. On a eu des informations et des réunions, mais ce que l’on veut, c’est pouvoir participer à la construction de la décision”, résume Olivier Poncelet.
Sur ce point, David Belliard fait valoir une baisse de la vitesse “annoncée depuis 2018 par un vote à l’unanimité du conseil de Paris”. “Rien que l’année dernière une consultation sous l’égide de la Commission nationale du Débat Public s’est tenu, indiquant clairement la baisse de la vitesse. Les transporteurs y ont été associés et avaient toute possibilité de contribuer”, ajoute-t-il.