Un entretien fleuve sur l’immigration, quelques propositions marquantes comme la dénonciation d’un accord avec l’Algérie: Édouard Philippe poursuit à son rythme sa stratégie vers l’Élysée, jouant sa propre partition dans la majorité et tentant d’essaimer à droite.
Pas vraiment de surprise à Horizons: Édouard Philippe parle peu. Raison de plus pour tenter de marquer les esprits lorsqu’il s’exprime.
Toujours ciselées, ses interventions sont souvent à double tranchant: soutien à Gérald Darmanin et à son texte sur l’immigration “nécessaire”… mais “pas suffisant”. Loyauté envers Emmanuel Macron… mais avec une pierre dans le jardin présidentiel, alors que les relations avec Alger, sur lesquelles le président a beaucoup misé, sont toujours aussi compliquées.
“Il est exactement dans sa stratégie”, analyse un dirigeant de la majorité. “Sur les retraites, c’était la même chose: soutien loyal au gouvernement… et une proposition tonitruante, les 67 ans. Là, sur l’immigration, soutien loyal au gouvernement… et Algérie.”
En prônant, dans les colonnes de L’Express, de dénoncer l’accord conclu avec Alger en 1968, qui crée un statut particulier pour les ressortissants algériens, le maire du Havre envoie “un signal à l’électorat de droite. La lutte pour 2027 est engagée”, juge une députée Les Républicains (LR).
“Sur la forme, c’est plutôt bien fait: une période de silence, une prise de position qui est censée surprendre, sur un terrain où on ne l’attend pas, et avec une certaine hauteur de vue”, abonde un stratège de la droite. “Mais son problème, c’est son bilan: tu ne peux pas avoir été Premier ministre en 2020 et découvrir la lune sur un sujet qui, pourtant, n’est pas nouveau.”
Les réactions chez LR illustrent un agacement envers Édouard Philippe, cet ex-soutien d’Alain Juppé nommé à Matignon en 2017 par Emmanuel Macron, premier acte d’une vaste entreprise de fracturation de la droite.
Objectif sénatoriales
Le président LR du Sénat Gérard Larcher s’est dit favorable à un réexamen de l’accord avec l’Algérie. Mais “je n’ai pas entendu ces propos de la part d’Édouard Philippe en 2018 alors qu’il proposait un texte pour réguler les flux migratoires. Un texte qui n’a eu d’ailleurs aucun effet”, a-t-il ajouté.
Offensifs face à l’exécutif sur l’immigration, les LR ont également bien reçu le message d’Horizons. Mercredi, leurs députés ont déposé une proposition de résolution appelant à dénoncer l’accord avec l’Algérie. Que voteront les députés philippistes ? “Il n’y a pas de raison qu’on ait un double ou un triple discours”, a répondu le président du groupe Laurent Marcangeli, qui souhaite par ailleurs aboutir à “un texte commun” sur l’immigration entre LR et la majorité.
Dans le camp présidentiel également, la démarche de cet allié “loyal mais libre” est attentivement scrutée. “Il veut contrer l’idée que c’est un juppéiste gestionnaire qui ne parle que de finances publiques et de retraites”, juge un membre de l’aile gauche.
“Une partie de l’électorat de droite est avec nous, mais une partie nous manque parce qu’ils considèrent qu’on est trop naïfs sur les enjeux régaliens. Édouard Philippe a intérêt à les marquer”, analyse un cadre plutôt situé à droite.
Le maire du Havre continue d’arpenter tranquillement le terrain. Cette semaine, il s’est rendu dans le Loiret puis en Indre-et-Loire et sera vendredi et samedi en Gironde. Il devrait intervenir en juillet lors des rencontres économiques d’Aix-en-Provence. Et après l’immigration, l’ancien Premier ministre devrait mettre l’accent sur l’Éducation.
Après la pause estivale, et comme l’an passé à Fontainebleau (Seine-et-Marne), Horizons devrait organiser une rentrée politique groupant parlementaires, maires et cadres du mouvement, qui revendique plus de 20.000 adhérents, dont 3.900 élus.
Viendront ensuite les élections sénatoriales. Horizons est déjà implanté au Palais du Luxembourg avec le groupe présidé par Claude Malhuret. “Mathématiquement, on va gagner des sénateurs. Ca crée des irritations, notamment chez Macron”, juge un élu, plutôt optimiste pour l’avenir de son patron, notamment eu égard à la situation du parti présidentiel. “Il reste une droite et une gauche à Renaissance. Ca se divisera. Et il y aura un courant pro-Philippe, et un courant pour (Bruno) Le Maire”.