Emmanuel Macron espérait s’appuyer sur la “dynamique” de la trêve entre Israël et le Hamas pour promouvoir les positions françaises et esquisser “le jour d’après” la guerre, mais son arrivée à la COP28 à Dubaï a coïncidé avec la reprise des hostilités.
Il a donc haussé le ton samedi avec une vigueur inédite à l’égard de la stratégie israélienne, lors d’un déplacement qui illustre une fois de plus la complexité, pour le président français, à trouver comment peser dans cette crise internationale majeure.
Dans son allocution après l’attaque d’une violence inédite menée le 7 octobre par le mouvement islamiste palestinien sur le sol israélien, il avait lui-même défendu le droit d’Israël à “éliminer” le Hamas, mais à condition de préserver les civils. A présent, il met ouvertement en doute “l’objectif” de guerre actuel d’Israël.
“La destruction totale du Hamas”, voulue par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, “est-ce que quelqu’un pense que c’est possible?”, a lancé le chef de l’Etat devant la presse à Dubaï. “Si c’est ça”, l’objectif, “la guerre durera dix ans”, a-t-il prévenu, appelant les autorités d’Israël à le “préciser”.
Alors que l’armée israélienne a repris le pilonnage de la bande de Gaza après une semaine de trêve, Emmanuel Macron a martelé qu’il fallait “redoubler d’efforts pour parvenir à un cessez-le feu-durable” pour faciliter l’aide humanitaire et “obtenir la libération de tous les otages encore détenus par le Hamas”, dont potentiellement quatre Français.
Samedi soir, il doit faire escale au Qatar pour un dîner avec cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, l’émir de ce pays au coeur des négociations pour la trêve et la libération d’otages.
“La bonne réponse contre un groupe terroriste n’est pas de supprimer l’intégralité d’un territoire ou de bombarder l’intégralité des capacités civiles”, a-t-il encore insisté, estimant que la “sécurité durable” d’Israël ne pourrait être garantie si elle “se fait au prix des vies palestiniennes, et donc du ressentiment de toutes les opinions publiques dans la région”.
Est-ce la teneur de ses entretiens en marge du sommet de l’ONU sur le climat, avec le président israélien Isaac Herzog et plusieurs dirigeants arabes, qui l’ont poussé à durcir le ton comme jamais depuis le 7 octobre?
Une tournée plus vaste au Moyen-Orient avait un temps été envisagée. Au final, la présence de nombreux acteurs à la COP a convaincu l’Elysée d’en faire un rendez-vous climatico-diplomatique d’envergure.
Mais l’ambition initiale a été en partie contrariée.
Stratégie brouillée
L’influent prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, qui y avait donné rendez-vous à Emmanuel Macron, n’est finalement pas venu aux Emirats voisins. Et une rencontre espérée de plusieurs dirigeants arabes réunis simultanément autour du président français, qui aurait pu décupler son message, n’a pas pu se tenir.
Quant à Benjamin Netanyahu et au président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ils n’étaient pas à Dubaï, et aucune étape en Israël ou à Ramallah n’est au programme.
“La France, Macron, n’arrivent pas à véritablement trouver leur place dans cette crise”, estime Agnès Levallois, de l’Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient.
Selon elle, le président a perdu un peu de son crédit en lançant fin octobre à Jérusalem, sans avoir préparé le terrain, l’idée d’enrôler les pays arabes dans une coalition internationale contre le Hamas. Puis, après avoir été critiqué pour un alignement trop net en faveur d’Israël, son appel à “arrêter” de bombarder des civils a pu tendre ses relations avec le chef du gouvernement israélien.
Une recherche d’équilibre “au gré des réactions” qui brouille sa stratégie, déplore la chercheuse.
Emmanuel Macron est désormais face à deux difficultés.
Côté israélien, les diplomates français ne cachent pas leur inquiétude au sujet d’opérations militaires qui visent aussi le sud de la bande de Gaza, contrairement aux engagements en faveur de zones “sûres” pour les civils.
Parallèlement, la France recherche la formule pour renforcer une Autorité palestinienne vacillante afin qu’elle puisse, le moment venu, assumer le contrôle de Gaza.
Mais dans les deux cas, les moyens de pression font défaut. Quant à la solution à deux Etats défendue avec ténacité par Paris, nul ne connaît vraiment le chemin pour y parvenir.
“Tout seul, Emmanuel Macron ne peut pas y arriver”, note Agnès Levallois. “En revanche, l’Europe dispose de leviers. On a une vraie carte européenne à jouer”, ajoute-t-elle, regrettant qu’elle soit à ce stade inexistante.