La “mère des batailles” pour tourner la page de la “mère de toutes les réformes”: Emmanuel Macron réinvestit jeudi le terrain économique en dévoilant sa stratégie pour “accélérer” la “réindustrialisation” de la France dans l’espoir de faire enfin oublier la crise des retraites.
C’est le début d’une longue séquence qui sera illustrée avec un déplacement vendredi à Dunkerque et le sommet “Choose France” lundi.
Le chef de l’Etat a annoncé la couleur dans un long entretien à l’hebdomadaire Challenges: la réindustrialisation, c’est “la mère des batailles”, dit-il, après s’être attelé dans la douleur aux retraites, longtemps présentées en Macronie comme “la mère de toutes les réformes”.
“Réindustrialiser, c’est créer du pouvoir d’achat, financer notre modèle social”, mais aussi “réduire le déficit du commerce extérieur”. “Et puis, bien sûr, stopper le décrochage de cette France des territoires”, a-t-il plaidé.
“Si on ne gagne pas la bataille de l’industrialisation, on ne pourra pas gagner celle du plein emploi”, a-t-il insisté.
L’Elysée estime que la politique des six dernières années “porte ses fruits”, et Emmanuel Macron vante longuement le bilan de sa politique économique, et notamment les baisses d’impôts parfois contestées, qu’il juge “cohérente” après “des décennies” d'”incohérence” et de “lâcheté”.
L’exécutif met en avant les 300 créations nettes d’usines en France entre 2017 et 2022, à comparer avec les 600 destructions nettes entre 2008 et 2016.
“Depuis six ans, nous avons créé 1,7 million emplois”, a fait valoir le président, qui prédit le rattrapage “d’ici la fin du quinquennat” du “choc de désindustrialisation dû à la crise de 2008”.
Il peut se targuer des résultats du baromètre sur l’attractivité du cabinet EY, qui place pour la quatrième année consécutive la France en tête des pays européens en nombre de décisions d’investissements étrangers.
“Ce n’est pas dû à Emmanuel Macron”, a balayé jeudi sur France 2 le député La France insoumise Alexis Corbière, évoquant seulement un “léger frémissement à l’image de ce qui se passe en Europe” et déplore que le président veuille “changer la conversation” alors que le mouvement contre la retraite à 64 ans se poursuit.
Le patron des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau s’est lui “réjoui” sur CNews “que le président de la République se mobilise sur ce front-là”, car “on a bien vu qu’on a dégringolé”.
Jeudi après-midi à l’Elysée, devant des acteurs de l’industrie française, Emmanuel Macron doit donc dévoiler les grands axes du projet de loi “industrie verte” attendu mardi en Conseil des ministres.
Le symbole Dunkerque
Dans Challenges, il a promis des “procédures hypersimplifiées” pour “diviser par deux les délais” d’une nouvelle implantation industrielle en France.
“La clé, c’est la simplicité et la rapidité”, a-t-il plaidé.
Parmi les mesures pourrait figurer une réforme du bonus écologique versé aux acheteurs de véhicules électriques pour favoriser les modèles produits en France.
L’objectif, selon le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, est de montrer que le gouvernement met les moyens face aux Etats-Unis et à la Chine, qui “soutiennent massivement” leur industrie et “protègent” leur marché. La France veut “être la première nation en Europe” à faire “de même”, a-t-il dit dans un entretien à La Tribune parue jeudi.
Vendredi, le chef de l’Etat doit se rendre dans le Nord pour visiter l’usine Aluminium Dunkerque, “le plus gros producteur d’aluminium primaire d’Europe”, selon l’Elysée.
Le port nordiste est érigé par la présidence en “territoire symbole de la reconquête industrielle”.
Il doit aussi “officialiser de nouveaux investissements”, dont l’implantation par le groupe taïwanais ProLogium d’une quatrième usine de batteries pour véhicules électriques en France, pour une entrée en production à partir de la fin de 2026.
Cet investissement fait partie des annonces attendues lundi à la sixième édition du sommet “Choose France” organisée au château de Versailles. Cette réunion annuelle lancée par Emmanuel Macron en 2018 vise à attirer les investissements étrangers dans le pays.
Cette année, plus de 200 patrons d’entreprises étrangères ont confirmé leur présence, “un record” selon l’Elysée, qui s’attend aussi à “un record en termes de montants d’investissements annoncés”: ils s’étaient élevés à 10,8 milliards d’euros l’an dernier.