Depuis des semaines, je me suis refusé à intervenir de nouveau dans le débat sur la ségrégation tribale au Cameroun, tant ce sujet m’agace. Mes convictions idéologiques de gauche (pas la gôche de la diversité et de légitimation des communautarismes, mais la gauche de la justice sociale) y sont pour quelque chose, mais également mon expérience de terrain.
Ayant été sollicité avec insistance par certains de mes compagnons de lutte dont particulièrement Mariana Simonikova Ekanev, je ne puis plus me dérober, d’autant plus qu’elle m’a interpellé sur mon expérience sur le dossier du gén#ocide rwandais.
En effet, de 2004 à 2006, j’ai été expert Auf (Agence universitaire de la francophonie) pour le Rwanda. Mon dossier portait sur l’évaluation du pôle d’excellence créé pour la gestion des traumatismes psychologiques nés du génocide. J’ai donc été sur le terrain, à Kigali, à Butaré, à Gitarama, à Murambi, etc. J’ai touché du doigt les tristes conséquences de la guerre tribale. J’ai vu des milliers de restes humains massacrés. Mes narines restent à jamais marquées par l’odeur fétide de chair humaine.
Pendant mes séjours, j’ai entendu les victimes; j’ai aussi entendu les bourreaux dans leurs lieux de détention ou dans des asiles où ils étaient soignés. Presque tous étaient marqués par l’expérience de l’horreur des crimes de masse. Les cas de démence étaient très nombreux. Les rares formations médicales et éducatives du pays débordées.
Or, le génocide et la guerre tribale ne laissent personne indemne; ils entraînent tout le monde dans la déchéance. C’est un engrenage infernal. Une chose nous avait frappés, les psychologues et psychiatres rwandais et moi-même : à l’approche du 6 avril de chaque année, date anniversaire du début des massacres, une vague d’hystérie collective s’emparait de tout le pays. Près de 20 ans après, j’ignore l’évolution de la situation.
Maintenant, si les intellos faussaires camerounais qui se livrent à ce jeu malsain et dangereux ne mesurent pas les conséquences des mots qu’ils prononcent, alors il faut qu’une puissance au-dessus d’eux les arrête sans tarder.
Les génocides commencent toujours par des mots qu’on prononce. Pour remonter loin dans l’histoire, c’est par exemple le cas, dans les années 1920, de l’oligarque américain Henry Ford, avec son livre appel-au-krime, Le Juif international; c’est aussi le cas des écrits du criminel allemand Adolf Hitler, avec son livre Mon combat. Faites comme moi: étudiez attentivement ces écrits appelant à la guerre raciale et tribale, vous en sortirez édifiés.
Je répète que la tribu constitue le degré zéro de la politique et aucune intellectualualité digne de ce nom ne peut justifier la ségrégation raciale, ethnique ou tribale.
Par Nkolo Foé