Nouveau front judiciaire pour Nicolas Sarkozy: menacé d’un procès pour le possible financement libyen de sa campagne présidentielle 2007, l’ex-chef de l’Etat a été entendu en audition libre puis perquisitionné mardi dans l’enquête incidente sur des soupçons de subornation du témoin-clé Ziad Takieddine.
D’après une source proche du dossier à l’AFP, confirmée par une source judiciaire, l’ex-chef de l’Etat a été entendu sous le régime de l’audition libre, dite aussi suspect libre, qui permet d’interroger une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction sans la mettre en garde à vue.
Sa femme, Carla Bruni-Sarkozy, a été entendue comme témoin simple, d’après cette source.
Le couple Sarkozy est arrivé discrètement à l’Oclciff (Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales), à Nanterre, mardi matin, devant lequel étaient présents des journalistes de l’AFP.
Vers 14h30, M. Sarkozy a rejoint en voiture son domicile dans une impasse privée du XVIe arrondissement parisien pour faire l’objet d’une perquisition, suivi d’une demi-douzaine d’enquêteurs, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Sollicité par l’AFP, l’avocat et l’entourage de Nicolas Sarkozy n’ont pas répondu dans l’immédiat.
Selon l’analyse qui sera faite de ses déclarations et des éléments à charge et à décharge, M. Sarkozy pourrait être mis hors de cause, mais il pourrait aussi faire l’objet d’une convocation en vue d’une mise en examen.
L’affaire a explosé en novembre 2020 lorsque Ziad Takieddine, principal témoin à charge contre Nicolas Sarkozy depuis 2012, avait opéré une spectaculaire volte-face sur BFMTV et Paris Match en déclarant que l’ex-chef de l’Etat n’avait “pas touché un centime, cash ou pas cash, pour l’élection présidentielle” 2007 de la part du défunt dictateur libyen Mouammar Kadhafi.
En fuite au Liban, pour échapper à sa condamnation dans l’affaire Karachi, M. Takieddine était revenu sur ses propos deux mois plus tard devant les magistrats instructeurs.
“Zébulon”
Le PNF a ouvert en mai 2021 une information judiciaire sur ces faits, avant une première vague d’interpellations le mois suivant, qui a notamment concerné la “reine des paparazzis” Mimi Marchand.
Au gré des auditions et des éléments réunis par l’enquête, la justice soupçonne à ce jour au moins huit protagonistes d’avoir participé, avec l’éventuel aval de l’ex-chef de l’Etat, à une opération pour que le sulfureux intermédiaire retire ses accusations, pour un coût récemment estimé à au moins 608.000 euros par les enquêteurs.
L’argent, essentiellement mobilisé par le financier Pierre Reynaud, récemment décédé, a été reversé à différents protagonistes présumés, dont l’intermédiaire Noël Dubus, déjà condamné pour escroquerie, mais aussi un publicitaire, à Ziad Takieddine et à un Libanais proche de ce dernier.
Début mars, le PNF a élargi l’information judiciaire à des faits de “recel de subornation de témoin”, une qualification qui pourrait correspondre au rôle de Nicolas Sarkozy tel qu’il apparaît dans certaines déclarations des protagonistes dans l’enquête.
Au cours de l’enquête sur cette “affaire d’une gravité majeure”, selon le mot du juge d’instruction dans une ordonnance de fin 2021, plusieurs protagonistes ont assuré que Nicolas Sarkozy suivait l’opération de près avant même sa révélation publique, des déclarations qui semblent corroborées par des échanges téléphoniques.
Le juge, lui-même, évoque dans un PV d’investigation d’août 2022 des “compte-rendus de l’opération” qui auraient été faits par Michèle (Mimi) Marchand à “Zébulon”, surnom attribué à Nicolas Sarkozy.
De son côté, Noël Dubus a déclaré que l’ex-chef de l’Etat s’était dit “très content” de la fameuse interview de novembre 2020 avant même la diffusion publique de celle-ci, ou encore qu’il avait “validé l’idée” une étape-clé ultérieure de cette rétractation.
D’après des éléments de l’enquête, Carla Bruni-Sarkozy a elle été entendue mardi comme témoin simple notamment car “Mimi” Marchand a argué de rencontres avec son amie la chanteuse et épouse de Nicolas Sarkozy pour justifier de déplacements au domicile du chef de l’Etat à des moments-clés de l’opération.
Enfin, l’avocat de longue date de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog, a également été entendu comme suspect libre dans ce dossier fin mai, selon la source proche du dossier confirmée par la source judiciaire.
Concernant l’enquête principale sur les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle 2007, le PNF a requis en mai le renvoi en correctionnelle de treize personnes, dont Nicolas Sarkozy. La décision finale appartient à la juge d’instruction chargée de ce dossier.